From June 15, 2023 to August 03, 2023

Galerie Tanit, Mar Mikhael, Beirut, Lebanon

Zena Assi, Study of a Cloud over Beirut #4, 2022-2023, Mixed Media on Canvas, 105 cm x 140 cm/ 117 cm x 151 cm (Framed)

Entre 1821 et 1822, le peintre paysagiste anglais, John Constable (1776-1837), développait une réelle obsession pour les nuages et les ciels. C’était sa manière de construire et d’exprimer une relation personnelle avec le lieu (Suffolk, Brighton ou Hampstead) en y revenant autant de fois qu’il devait le faire pour réaliser ses croquis. Aussi, Zena Assi expérimente sa relation particulière au paysage urbain de Beyrouth, sa ville, comme elle a eu l’occasion de le faire dans des travaux plus anciens. Ici, elle le juxtapose – ou le superpose – au ciel anglais de Constable, recomposant les deux topographies en une seule sur l’espace de la toile. Dans Study of a cloud after Constable, l’artiste performe donc son rapport au territoire, faisant dialoguer les deux plans de la composition de cette série de 40 petits et 5 grands tableaux qui renvoient, plus intimement, aux deux composantes d’une seule entité hybride et peut-être fantasmée, Beyrouth, la cité dystopique qui s’étrangle et se déploie, et l’Angleterre, le pays d’accueil, au ciel infini, changeant et lourd.

 

De fait, l’exposition Study of a cloud propose un corpus d’œuvres allant de 2015 à nos jours qui mettent en lien les espaces et les temps, et un voyage temporel, autant que spatial, dans les civilisations anciennes, leurs mythologies, leurs légendes et leurs croyances. Plus concrètement, Assi se réapproprie des artefacts de la culture archéologique, les « déplace » de leurs contextes comme on voyage dans le temps, ou d’un pays à un autre, restitue les traces de leur usure et réinvestit leur mémoire pour en faire des objets qui parlent du monde contemporain. Les mêmes villes au développement organique s’y déploient aussi, comme sur des vases antiques. Objets en céramiques, colonnes de temples imaginaires, totems et gargouilles sont ainsi les éléments de cet imaginaire puisé dans les collections du musée national de Beyrouth et où les temporalités, cette fois, se superposent. On y retrouve les préoccupations de l’artiste sur le fait de résider dans cet espace « intermédiaire » où les lieux et les temps peuvent entrer en dialogue.

 

C’est donc un ensemble d’œuvres très ancrées dans l’histoire de l’art, des civilisations, dans les mythologies anciennes autant que dans la culture visuelle contemporaine, l’histoire actuelle et sa violence que nous propose Zena Assi, dans un mélange de registres alliant la tragédie à la satire et parfois à l’humour et le jeu, la peinture aux caractères graphiques et à l’animation. Ecce Homo est ainsi un court métrage prenant appui sur les 6 eaux-fortes et aquatintes sur papier s’inspirant des gravures et des dessins du peintre espagnol Francisco Goya (1746-1828) justement intitulée Les désastres de la guerre (1810-1820). Subtilisant un détail de l’œuvre de Goya de son contexte d’origine, Zena Assi l’insère ensuite dans le chaos des villes avec les symboles guerriers d’aujourd’hui, illustrant ce qui ressemble à une crise globale de notre contemporanéité. Tout cela s’anime enfin dans le court métrage qui montre, sous l’hégémonie d’une sorte de Léviathan, incarnation du pouvoir et du mal qui plane au-dessus de la ville, l’humanité de Assi témoin de la violence, de la guerre, et des catastrophes de l’histoire : Ecce Homo (Voici l’homme).

Nayla Tamraz

Artists

Zena Assi