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Dans le cadre de Paris Photo 2015, la Galerie Tanit présente le possible dialogue entre deux regards. Deux écritures photographiques distinctes, dont les séries exposées se réclament d’influences littéraires fortes. Là où, au tournant du XIXème siècle la censure croisent les destins de deux des plus grandes figures littéraires françaises – Gustave Flaubert et Charles Baudelaire – Fouad Elkoury et Steven Waddell viennent puiser toute leur inspiration visuelle et poétique.
Pour un dialogue donc, à deux voies, suivant l’instinct, entre photographie, littérature et poésie, où passé et présent, nostalgie et modernité se mêlent pour toujours faire éclore la beauté d’un monde en suspend.
La Suite Egyptienne de Fouad Elkoury produite entre 1989 et 1990 au Caire et le long de la Vallée du Nil appartiennent à ces images longtemps rêvées, tenues au fil des mots nostalgiques d’un Flaubert voyageur, aventurier épris d’une danseuse courtisane, Kuchuk-Hanem qui hantera qui sait, longtemps ses pages.
La femme hante, Nada-Kuchuk, du moins son image, son mouvement en noir et blanc déjà se fait nuée. Les paysages défilent à la fenêtre d’une voiture sans âge, à l’embrasure d’une fenêtre la lumière déjà chaude embrase la vue, et toujours là, la femme qui joue, la femme étendue, la femme de dos, la femme dansante. Elle est celle qui sera suivie par le photographe tout au long de son périple Egyptien. Derrière Nada, derrière Flaubert et ses rêves de sensualité, derrière Maxime Du Camp déjà en chasse d’images, Fouad Elkoury construit étape après étape, en ligne ininterrompue un hommage à l’Egypte de tous les temps. Insufflé par la passion des récits orientalistes, du silence des tombes antiques à l’effervescence lumineuse des cités, l’artiste crée une fiction personnelle entre réel et imaginaire, d’où émerge un voyage en orient qui se joue de l’histoire, entre rive des morts et des vivants.
Le poète aurait le devoir selon Baudelaire de « tirer l’éternel du transitoire », lever le voile qui recouvre la surface des choses pour laisser apparaître les possibles beautés d’un monde qui se trouvent autour de lui. Poète de la ville, Baudelaire a su voir en son fourmillement les conditions de possibilité d’une approche poétique moderne, il a su aborder l’homme dans ses multiples tableaux pour toujours révéler la beauté de ce qui est là, devant lui, là devant nous.
Investir la ville, voir à la fois le spleen et l’idéal, l’instant et l’éternel condition humaine, là se pose toute la démarche photographique de Stephen Waddell. Véritable « peintre de la vie moderne » Waddell l’est assurément. La série Hunt and Gather nous révèle cette traque urbaine animée par ce réel qui éclot, minutieusement cadré par le regard du photographe. Cette série dépeint l’homme dans la ville qu’il habite, enregistre les comportements et les environnements qui les font naitre pour toujours se placer non pas face, mais aux côtés d’un état du monde. Si il est de Street Photography dont il est question c’est pour toujours s’en éloigner, pour mieux se réclamer d’une approche délibérément construite, là où le cadre met en scène. Influencé par Jeff Wall dont il fut l’élève la démarche photographique de Stephen Waddell se place dans la continuité d’une tradition picturale, là où le geste du créateur patiemment esquisse et transforme.